[INEDIT] L’ultra triathlon ou l’image d’un sport correspondant à la société moderne ou contrecarrant celle-ci ?

L’ultra triathlon ou l’image d’un sport correspondant à la société moderne ou contrecarrant celle-ci ?

Stéphane Héas, Dominique Bodin, Luc Robène, Jean Paul Monnet

Résumé

L’ultratriathlon est une pratique sportive au long cours. En quoi est-elle moderne ou plutôt ancienne ? Les pratiquants semblent appliquer des exigences d’autocontrainte exacerbées au regard de la faible légitimité de leurs exercices corporels. L’extrême corporel allie souci de soi et oubli de soi, replis sur soi et ouverture à la fraternité internationale d’un groupe sportif minoritaire. Entre résistance aux facilités modernes et nostalgie d’une vie laborieuse (?), les ultras sont les représentants d’une marge sportive survalorisant l’endurance aux efforts prolongés.

Les sociétés contemporaines développées se caractérisent par des évolutions notoires. Tout d’abord, dans une perspective historique européenne, puis à partir de l’analyse des sports anciens et modernes, certains auteurs insistent sur la diminution de la violence dans les rapports inter individuels : « la civilisation des mœurs » constitue ce processus toujours en cours d’adoucissement et de contrôles simultanés et permanents des comportements sociaux (Elias, 1973 ; Elias, Dunning, 1986). Ces analyses soulignent également une mise à distance progressive du corps et un déni de la mort, se traduisant par une recherche de la sécurité absolue, si ce n’est un rejet total du risque. Soit, une « violence maîtrisée » en même temps qu’une recherche d’excitation[i], si ce n’est d’excès. Des espaces temps particuliers sont, en effet, précisément dévolus aux pratiques « excessives » en termes de violence : les sports participent de ce mouvement de civilisation des mœurs (Bodin, Héas, 2002 ; Héas et al., 2003). Ils concourent à la survalorisation de comportements violents, et parfois, fortement iatrogènes (Bodin, Robène, Héas, 2004). Les liens entre ces violences sportives et les formes extra sportives ne peuvent être négligés. Car, les engagements dans telle ou telle pratique révèlent les socialisations différenciées, les goûts inculqués, en même temps que les possibilités de résistance à ces contraintes socioculturelles. L’interdépendance entre les groupes en présence conditionne les réactions de chacun. Les footballeuses par exemple, en France, participant en tant que groupe dominé à une pratique fortement valorisée et masculine surenchérissent les comportements traditionnellement masculins (boire, crier, insulter, etc.) tout en tentant de spécifier leur caractéristique sexuée (Héas et al., 2004). De la même manière, pratiquer le golf peut constituer un véritable calcul engageant le pratiquant dans un exercice corporel pour essayer de bénéficier des à côtés de la pratique davantage que de la pratique elle-même (Bodin et al., 2004). Ces deux terrains ont permis de souligner les difficultés à investir une pratique moins en adéquation avec les héritages culturels à un moment donné pour tel ou tel groupe d’individus : les personnes en forte ascension sociale là, les jeunes filles et les femmes là. Les formes de violences sont donc plurielles : matérielles (lorsque les créneaux horaires ou les conditions de pratique sont contre productifs), symboliques (lorsque les jeunes filles doivent quitter leur club local et taire leur hobby pour continuer à jouer au football) et physiques (lorsque tel pratiquant astreint à un entraînement intensif se « casse » régulièrement tout en continuant à être incité à revenir « dans le jeu sportif » le plus précocement possible), etc.

De nombreux auteurs soulignent, aussi, la montée progressive de l’individualisme à une époque récente (Lipovetsky, 1989 ; Ehrenberg, 1991). La conception de l’individu semble, alors, radicalement nouvelle : idéalement, elle affirme le droit pour chacun de disposer de son corps comme il l’entend, plus largement de forger sa propre identité dans un cadre de moins en moins contraignant accordant une liberté individuelle qui apparaît, de prime abord, plus grande qu’auparavant (Kaufmann, 2004). Les rapports aux corps s’en trouvent bouleversés : le corps devient un « monde portatif », mais aussi plus récemment un « brouillon » à améliorer au besoin par des prothèses ou plus largement par le recours à un spécialiste corporel : chirurgien (esthétique ou non), tatoueur, praticien de relaxation, etc. (Le Breton, 1999, 2002 ; Héas, 2004). La relation à soi devient l’étalon de toutes les relations sociales et humaines. Plus précisément, cette attention à soi n’est pas toujours douce, même lorsqu’elle se revendique comme telle (Vigarello, 1982 ; Héas, 2004).

Qu’en est-il, alors, dans le cadre de pratiques qui valorisent à l’envie l’excès ? C’est ce que nous allons tenter de préciser à partir de l’exemple de l’ultra endurance.

[i][i] Ce que confirme davantage le titre en anglais : The Quest for excitement.

L’ultra endurance comme focale des sociétés modernes ?

Ces bouleversements des relations sociales, des comportements et des mentalités sont d’une part liés aux avancées technologiques : les sciences et les techniques se développent parfois en marge, et contre les croyances religieuses, ésotériques, mystiques, etc., mais aussi parfois en s’appuyant sur elles. Ces acquis modernes ou plus anciens repoussent les limites des capacités et des expériences humaines. D’autre part, ils sont à mettre en relation avec les évolutions sociales : l’affirmation croissante du droit à la différence et la prise en considération des particularités fait de chaque être, un individu à part entière, de plus en plus libre mais également de plus en plus isolé (Ehrenberg, 1995, 1998).

Les rapports douloureux au monde, lorsqu’ils sont librement consentis, prennent l’allure d’une formation personnelle, d’une expérience distinctive (Poutrain, 2003 ; Le Breton, 1991). Or, les injonctions normatives modernes sont largement ambivalentes, parfois contradictoires : elles sont susceptibles d’induire des pathologies sociales spécifiques (Druhle, 1996).

En effet, si ces changements présentent de nombreux avantages, en garantissant notamment le respect des droits et des libertés de chacun rendant la vie plus agréable, on peut également en percevoir les effets néfastes. Ces évolutions confrontent, en effet, l’individu à de nouveaux problèmes qu’il n’avait pas, jusqu’alors, à résoudre. La diminution des contraintes, des prescriptions sociales formelles et autoritaires (traditions, coutumes, rites, etc.) en même temps qu’elle accorde une autonomie et une liberté plus grande aux individus, les plongent paradoxalement dans un isolement de plus en plus marqué, obligeant chacun à partir en quête de limites, qu’on ne lui impose plus, à se construire des repères que l’on ne lui fournit plus d’une manière radicale.

Nous allons plus précisément aborder cette question de l’individualisme et du changement de rapport au corps à partir d’entretiens réalisés auprès de pratiquants de l’ultra endurance en France. Cette pratique consiste en l’enchaînement de pratiques classiques dans le sport moderne : course à pied, natation et cyclisme. La « combinaison longue » et récente de ces pratiques vise à évaluer l’endurance des participants, leur capacité « à tenir » la distance, à résister aux contractures ou inflammations tendineuses, notamment, inhérentes à une telle pratique de longue durée. Les efforts demandés sont prolongés, la durée des épreuves excède, parfois, plusieurs jours (des dizaines de kilomètres de nage et de course à pied, des centaines de cyclisme !). La nouveauté n’est, donc, pas tant dans les disciplines valorisées que leur modalité de pratique extrême. Si le chronomètre est omniprésent et un recours systématique, il contrôle des durées de course qui ne se retrouvent que dans des pratiques fortement instrumentées comme les courses au large sur des embarcations qui n’envient rien, d’un point de vue technologique, aux voitures de Formule Un. Comme les premières, l’ultra endurance engage les participants à contrôler au mieux la gestion de leur fatigue et de leur sommeil. Les phases de récupérations deviennent primordiales, scandant l’enchaînement des disciplines à la fois à l’entraînement et en compétition. A contrario des secondes, il n’est pas instrumenté, sauf à considérer le corps et ses techniques comme un processus d’appareillages biopsychosociaux. De prime abord, l’ultra athlète ne diffère en rien d’un coureur du dimanche : il ne possède pas plus de technologies sur lui que ce soit pour les chaussures, les vêtements ou les cardiofréquence-mètres…

L’ultra triathlon ou la spécificité des sociétés développées

Que recouvre cette pratique à la fois classique dans ses modalités d’exercice et exceptionnelle quant à leur enchaînement proposé ? Quels pays valorisent cette pratique combinée qui apparaît de prime abord largement « excessive » ? Car, autant la pression normative incitant à la course à pied notamment dans les années 1970 a permis la normalisation de comportement comme celui de courir une heure chaque semaine (via le jogging ou le footing), autant, il reste anormal de courir plusieurs heures d’affilées et ce, en recommençant le lendemain, et le surlendemain. A fortiori, lorsqu’à cette course quotidienne, la nage et le cyclisme sont ajoutés, eux aussi et, le plus souvent, journellement. Cette attitude corporelle, et plus précisément, cette multitude corporelle, signifie un rapport à la norme hyperbolique (Héas, 2005). Comment peut-on l’analyser d’un point de vue socioanthropologique ?

Les analyses suivantes s’appuient tout d’abord en prise d’informations préliminaires sur l’étude des sites Internet des organisateurs de compétitions : cette manière d’enquêter exige une prudence méthodologique explicitée d’une manière synthétique ailleurs (Poutrain, Héas, 2003). Ensuite, elles se basent sur quatre entretiens réalisés avec cette minorité sportive en France. Les propos tenus soulignent la marginalité en même temps que les relations étroites en les rares participants francophones ou non. Cet échantillon restreint permet ainsi, par effet boule de neige, de recueillir des informations plus complètes sur l’ultra endurance en France et ailleurs dans le monde.

Les pays organisateurs de l’ultra endurance au niveau mondial sont largement les pays les plus développés. De 1985 à 2002, 99 épreuves d’ultra triathlon sont recensées : 51 doubles, 32 triples, 5 quadruples, 2 quintuples, 7 déca, 1 quinze et 1 double déca[i]. Cela correspond, en moyenne, à 7 courses par an de part le monde. La pratique apparaît donc très minoritaire et confidentielle face aux enchaînements permanents de courses, de championnats, de coupes, dans la plupart des autres pratiques sportives contemporaines.

Les pays organisateurs sont par ordre décroissant : les Etats-Unis, le Mexique, le Québec et l’Equateur. En Europe occidentale, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Lituanie, et dans une moindre mesure, la France, la Belgique ou bien la Hongrie.

L’ultra triathlon apparaît comme une pratique spécifique des pays développés, principalement des pays de l’hémisphère Nord, fortement et anciennement industrialisés. Aucune compétition n’est organisée dans les pays en voie de développement (Afrique, Asie, Amérique latine…), ni en Europe orientale et en Océanie.

[i] Soit pour le double décatriathlon : 20 fois les distances moyennes rencontrées sur une épreuve de triathlon (environ 3 kms à la nage, 150 kilomètres à vélo et 42.195 kms à pied).

Qui pratique ces formes d’ascèse moderne ?

D’un point de vue un peu formel, la pratique regroupe plutôt des hommes adultes autour de la quarantaine. En menant une étude sur les 181 concurrents (11 femmes pour 170 hommes) ayant fini au moins deux épreuves d’ultra triathlon, grâce à des statistiques établies par un ultra triathlète allemand, à partir des archives des résultats officiels depuis 1985 (1er ultra à Hunstville, USA), le profil de l’ultra triathlète se rapproche davantage des sportifs traditionnels que des adeptes de pratiques nouvelles (Loret, 1995 ; Monnet, 2004).

En outre, les ultra triathlètes ne se perçoivent pas comme des hommes hors du commun, ils se définissent eux-mêmes comme des personnes « ordinaires », ayant une vie « normale », « classique ». David se considère ainsi comme « quelqu’un de normal qui ne fait pas grand-chose à côté (du sport) ». Leur emploi du temps est, comme le souligne Claude, serré et « bien occupé ». Ce dernier insiste aussi sur l’importance de respecter les priorités : « d’abord la famille puis le travail et enfin l’entraînement et pas l’inverse », afin de garantir un équilibre dans l’existence.

La moyenne d’âge sur les épreuves se situe aux alentours de 41 ans (source IUTA et xclusive triathlon), ce qui paraît relativement élevé et ne correspond pas aux nouvelles pratiques de glisse où il n’est pas rare de voir des adolescents évoluer au plus haut niveau. Les athlètes entretenus avaient respectivement 36 ans, 40 ans, 54 ans et 35 ans pour le dernier qui fait figure de « gamin (dixit) » dans la discipline. En ce qui concerne le statut professionnel des concurrents, les athlètes rencontrés occupaient les postes d’enseignant d’EPS, détaché à jeunesse et sport, après avoir suivi un cursus classique, de responsable d’un fast food, avec un baccalauréat et quelques années d’université d’histoire, d’éducateur spécialisé après une formation de mécanique (CAP), puis une réorientation vers l’animation sociale (BEESAPT) et de maître nageur, titulaire d’un BEP comptabilité.

Ils relèvent par conséquent des catégories sociales intermédiaires, voire Employé. Pour ce qui est du monde de l’ultra triathlon, en général, les professions exercées par les individus semblent proches. Claude cite comme autres ultra triathlètes français qu’il connaît : des mécaniciens, des militaires, un vendeur de vélos, un policier ou encore un employé municipal. Une proportion importante de personnes travaille dans le secteur public, notamment des maîtres nageurs, ce qui peut s’expliquer comme un moyen pour les individus de concilier un emploi et un entraînement conséquent. En travaillant dans le milieu du sport et en disposant de temps libre, leurs possibilités d’entraînement, avec notamment des horaires aménagés, sont plus favorables que s’ils occupaient des professions libérales. Albert nous confirme l’origine sociale des participants en ultra, peut-être inférieure selon lui à ce que l’on peut voir sur les triathlons classiques essentiellement le fait des couches sociales aisées.

En cherchant à replacer l’ultra triathlon dans l’espace des sports, il se situerait au milieu des autres pratiques énergétiques : la discipline s’adresse à un groupe social moyennement instruit et moyennement riche (Pociello, 1995). La pratique de ce sport demandant néanmoins un investissement, tant sur le plan de l’entraînement que sur celui des finances, les pratiquants ne sont pas issus des classes sociales défavorisées « il n’y a pas de chômeur en tri (dixit) » et n’exercent pas non plus d’emplois basés sur la force physique.

Au niveau familial, les athlètes reconnaissent l’importance d’une certaine stabilité, de liens familiaux solides mais l’entraînement en ultra triathlon prend énormément de temps, et il apparaît difficile de concilier une réelle vie familiale avec les rythmes effrénés des séances et des compétitions. Si Claude semble y parvenir en s’imposant la famille comme priorité absolue, il souligne qu’il fait office d’exception dans le monde de l’ultra et évoque cette réussite avec une certaine fierté.

En effet, plus le niveau de l’athlète augmente et plus celui-ci est amené à passer de temps à s’entraîner. Boris souligne que l’ultra représente un « gros investissement », « une grosse affaire » et reconnaît qu’il a du effectuer des choix face à l’impossibilité de tout concilier et ne s’est donc jamais investi totalement dans la pratique. Albert et David en revanche conçoivent avoir quelque peu sacrifié leur vie de famille au profit de la pratique sportive. Ne voyant pas comment lier les deux : « vachement dur, impossible quasiment » aux dires de David qui voit dans l’ultra la raison majeure de son divorce avec la mère de son enfant…

Le temps apparaît comme précieux pour ces individus qui jonglent constamment entre leurs différentes occupations, les moments d’inactivité sont rares. Cependant, ils ne sont pas « cloîtrés » chez eux comme le dit David, Boris aime s’occuper de sa maison, rencontrer ses amis, et Claude, même s’il affirme ne pas regarder la télé, ne pas lire les journaux, et n’écouter la radio qu’en s’entraînant reste ouvert au monde et se montre un fervent utilisateur du Net.

Des anciens sportifs raisonnables pour une activité sérieuse et ascétique

Tous les athlètes rencontrés ont pratiqué d’autres sports avant de faire de l’ultra : football, volley à haut niveau et tennis ou encore course à pied et football. Toutes ces pratiques reflètent une attirance pour les sports traditionnels. En revanche, aucun des triathlètes interrogés n’a pratiqué de sports extrêmes et ils développent une certaine méfiance, une certaine réticence, quant à un essai éventuel du saut à l’élastique ou du ski extrême.

La participation à l’ultra apparaît calculée, l’engagement de ces individus ne traduit pas une folie passagère mais l’aboutissement d’un entraînement et d’un investissement importants. On peut noter la progressivité dans l’activité des triathlètes interrogés, tous ayant participé aux distances classiques pour peu à peu s’orienter vers le « long », puis l’ultra. Claude a ainsi effectué deux saisons de triathlon classique, Boris a commencé par le « promo » puis l’année suivante les courtes distances pour se lancer progressivement sur le long. Cette rationalité, cette volonté de ne pas brûler les étapes, se retrouvent constamment chez ces sportifs. La préparation aux compétitions est rigoureuse, l’entraînement méticuleusement planifié, l’énormité des distances apparaît alors comme la conséquence logique d’une surenchère rationnelle et non comme une action insensée.

Le sport occupe une place fondamentale dans leur vie respective David avoue y penser constamment : « 24h/24, 365 jours par an », les entraînements rythment le quotidien sans toutefois en annihiler les autres dimensions. Les ultra triathlètes ne semblent pas vivre en marge de la société, ils ne sont pas enfermés dans leur monde. Par contre, ils semblent en accord avec des valeurs particulières. Les propos recueillis en face à face soulignent un attachement particulier à des valeurs traditionnelles, bases de l’éthique sportive olympique, de moins en moins reconnues dans la société actuelle.

Une sagesse exemplaire se dégage de la pratique ultra, arc-boutée sur la valorisation du calme, du réalisme et du sérieux. Impossible de généraliser cette constatation, il semble toutefois que cette tendance soit majoritaire chez les ultras : « il y a une sagesse, on a les mêmes traits de caractère, dans la vie, je ne sais pas si on vit les choses de la même manière mais quelque part un peu, je pense que c’est un état d’esprit ». Boris se définit comme « réservé, assez individuel, méfiant, pas trop expansif », Albert comme plutôt solitaire et Claude prône une modération permanente, non seulement dans le sport mais aussi dans le quotidien. Or, la valorisation de la modération n’est plus une axiologie corporelle minoritaire aujourd’hui comme nous avons pu le souligner en ce qui concerne les pratiques de relaxation (Héas, 2004). Le caractère sérieux de la pratique ne peut étonner non plus : elle participe du culte de la performance depuis deux décennies maintenant qu’elles que soient les pratiques concernées (Ehrenberg, 1991 ; Perrin, 1985).

Leur manière de pratiquer, de concevoir cette pratique et la vie en général, traduit un réalisme patent : Claude « voit l’autre » ultra à venir, la saison prochaine qu’il ne faut pas hypothéquer en se « cassant ». Ils raisonnent à long terme, recherchent une constance, une régularité. On perçoit nettement cette cohérence lorsque Claude explique pourquoi il a choisi l’ultra triathlon, par rapport à ses capacités, après avoir pesé le pour et le contre, réfléchi à ses potentialités, ce dont il avait besoin et le type d’effort qui lui conviendrait le mieux. En résumé comme il le déclare : « quand j’ai entendu parler de l’ultra triathlon je me suis dit c’est pour moi ça ! ». Les propos d’Albert montrent également ce réalisme, il met en effet tout en œuvre pour parvenir aux objectifs qu’il se fixe « je m’y suis inscris, je m’y suis préparé pendant des mois » et lorsqu’il doit expliquer un échec, il le justifie par le fait de « ne pas l’avoir pris suffisamment au sérieux ».

Dans cet esprit, ils n’attachent que peu d’importance à l’apparence, au superficiel et au spectaculaire. Les propos de Claude l’illustrent parfaitement lorsqu’il évoque son attitude sur le vélo qui « ne paye pas de mine », et « ne ferait pas une bonne pub pour celui qui veut acheter un vélo » et montre un certain mépris vis-à-vis du triathlon classique lorsqu’il dépeint le triathlète typique où le superficiel et l’apparence règnent en maître, où le côté frime l’emporte souvent sur le sérieux :

le gars qui vient avec le vélo à 20 ou 30 000 francs et ne pédale jamais, des godasses qui valent, je ne sais pas et puis il ne s’entraîne jamais, tu les vois à la piscine, il fait 50m, il s’arrête

— Claude

De leur calme, de leur sérieux, de leur attitude posée se dégage une certaine sérénité, une sorte de sécurité caractéristique des individus sur qui l’on peut compter. Cette sagesse, se manifestant par une sobriété, voire parfois un ascétisme, s’oppose aux délires de la culture fun, à l’ambiance exubérante des sports de glisse où l’important est d’être vu, d’en mettre plein les yeux, où le paraître prend le pas sur l’être. Les actions spontanées, irréfléchies, le déraisonnable et l’excentrique sont proscrits.

L’ascétisme se retrouve d’une certaine manière chez les ultra triathlètes. Ils ne vivent pas dans le dénuement le plus total, ne cherchent pas à tout prix la privation, mais on peut remarquer une volonté de ne pas céder aux facilités de la vie quotidienne, une certaine rigueur morale et une hygiène de vie stricte. Pour Claude, « il ne faut pas se laisser aller », il ne fait que très peu la fête, se méfie du moindre excès, de tout ce qui pourrait l’écarter du droit chemin en se fixant notamment des règles alimentaires drastiques. Perdre son temps devient une gageure pour ces pratiquants de l’ultra. Si les autres athlètes sont moins stricts, leur vie paraît néanmoins suivre une certaine ligne de conduite, Albert reconnaît qu’il fait attention à ce qu’il mange au quotidien, qu’il « y a des règles à respecter », la pratique s’inscrit alors dans une hygiène de vie générale, s’institue véritablement en mode de vie.

Leur relation à l’effort en est l’illustration, en effet, ils mettent un point d’honneur à affronter la réalité, à endurer la souffrance sans avoir recours à un échappatoire quelconque. David nous dit qu’il « préfère aller souffrir dans le froid, plutôt que de rester au chaud ». On perçoit ce stoïcisme lorsque Albert évoque sa participation au déca du Mexique « quand j’ai passé la ligne d’arrivée, ça faisait déjà x et x et x jours que je souffrais au niveau des pieds, je ne pouvais plus marcher, j’avais la voûte plantaire détruite, à chaque pas je mettais les pieds sur de la braise, c’était l’enfer » ; mais, il n’envisage pas une seconde d’abandonner « t’abandonnes pas quoi, tu vas au bout, tant pis, tu marches ».

De plus, la pratique de ce sport nécessite des sacrifices importants, du temps, de l’argent, des efforts, les athlètes en sont conscients, les connaissent et les acceptent comme le prix à payer. Comme le souligne Albert :

c’est peut-être plus des gens passionnés, qui n’ont peut-être pas de l’argent à tout va mais qui aiment ça, prêts à dépenser 10000 balles pour aller faire une épreuve parce qu’il y a l’avion à payer, les inscriptions, les hôtels. On va dire qu’en moyenne c’est 10000 francs une épreuve, donc 10000 balles quand t’es plein de pognon, tu t’en fous, quand t’en as pas trop, il faut être passionné

— Albert

Dans la société moderne, cet ascétisme fait figure d’archaïsme. Pourquoi se priver des avancées technologiques, des innovations scientifiques rendant la vie si facile et si confortable, pourquoi s’astreindre à des exercices pénibles, longs et ne rapportant rien sur le plan purement matériel ? Il faut en plus payer pour souffrir !

L’amour du travail bien fait en réaction à une « sportivité » stigmatisante ?

Les notions de travail, d’effort, apparaissent comme des valeurs fondamentales chez ces individus, ils possèdent une foi inébranlable dans les vertus du travail, la progression, les performances ne dépendant que des efforts fournis par l’individu, du temps passé à la tâche. Chez tous en effet, la croyance dans les vertus du travail, seul gage fiable de réussite, les efforts, la persévérance constituent forcément des sources de progrès. Cette éthique a été finement analysée chez les marathoniens lorsque cette pratique apparaissait comme une course extrême (Faure, 1987).

Pour Albert « plus tu t’entraînes, plus t’as de chance de te retrouver dans les meilleurs », il considère le travail comme unique cause à ses succès « tu te dis que tout le travail que tu as fait avant, ce n’est pas pour rien », « ça paye, ça paye, ça paye ! ». Les propos de Claude vont dans le même sens lorsqu’il affirme :

je pars du principe qu’on paye toujours la facture, c’est à dire qu’un mauvais travail ne pourra t’apporter que de mauvais résultats et inversement, un travail qui est recherché ne pourra t’apporter que des choses positives… on a que ce qu’on mérite

— Claude

Cette conception, mettant en relation quasi proportionnelle les efforts fournis et les résultats obtenus, conduit les athlètes à en faire toujours plus : elle sert, en quelque sorte, à légitimer leur investissement démesuré.

Cette volonté constante de persévérance, la croyance en un progrès infini, et cet état d’esprit s’expliquent sans doute par le fait que tous sont venus à l’ultra triathlon relativement tard et tous reconnaissent qu’ils n’étaient pas spécialement faits pour ce sport. En effet, Claude reconnaît qu’il ne savait pas nager au-delà de 50 mètres, qu’il ne savait pas pédaler et courait parce qu’il fallait courir. Albert résume ce point : « à la base, je n’avais rien du tout ! ». De même, David souligne qu’il n’a commencé les sports d’endurance qu’en entrant à l’armée, qu’il « n’avait pas du tout le niveau », qu’il était « dans les plus mauvais », que « les autres trouvaient qu’il était nul », il nous dit : « je n’avais jamais fait de vélo, je ne savais pas très bien nager, quasiment pas, je ne faisais pas 200m en crawl sans être essoufflé » et souligne « qu’il avait tout à apprendre ».

On retrouve chez tous cette affirmation de n’être parti de presque rien, de ne pas être spécialement doué pour ce sport mais de devoir leur réussite à une persévérance hors du commun : « j’ai toujours été un battant ».

Ces efforts consentis seul à l’entraînement prennent place au sein d’un groupe de pairs restreint et respectueux, gage de leur bonne conduite sportive :

 Sur l’ultra, le respect sera toujours là, ou alors, celui qui ne respecte plus les autres, il n’a plus rien à foutre ici, il vient d’ailleurs celui qui n’est plus capable de respecter, dans la société de l’ultra, je crois que c’est comme ça 

Cette rigueur participe d’une autocontrainte permanente. Les ultra triathlètes se fixent des normes personnelles, des prescriptions qu’ils pensent subjectives. Elias perçoit cette « autodiscipline, propre à ceux qui ont grandi dans des sociétés aux exigences élevées en matière de temps, comme un aspect de l’habitus social de ces individus »[i], autrement dit, cette rigueur envers eux-mêmes serait une caractéristique de leur groupe social d’appartenance et serait donc largement transmise par l’éducation.

Cette rigueur individuelle ressort dans la pratique sportive des athlètes au travers notamment de leur assiduité à l’entraînement que Claude préconise « régulier du 1er janvier au 31 décembre », « l’entraînement, c’est au quotidien, au quotidien et tous les jours et tous les jours et toutes les semaines et ça n’a pas de fin ». Elle se perçoit également dans leur vie quotidienne. Cette « exigence vis-à-vis de soi-même et vis-à-vis des autres » comme la qualifie Albert s’institue comme une véritable règle de vie. Claude insiste sur l’importance de la ponctualité « 10h, c’est pas 10h01 » et remarque qu’il veut « faire les choses correctement le jour j, si c’est pour les faire en dilettante, autant s’abstenir ». De même, pour Albert c’est :

soit on fait les choses, soit on ne les fait pas….si c’est pour les faire comme ça, les mains dans les poches autant ne pas les faire,… pourquoi les faire à moitié, autant les faire au maximum

— Albert

[i] Cité par Faure J.M, Suaud C. (2003)

Des compétitions en dehors des normes usuelles

Aujourd’hui, des réactions importantes ont vu le jour dans les sports modernes, contre le milieu sportif conventionnel basé sur la compétition, la normalisation des épreuves, le classement des participants et la concurrence systématique. Elles prônent une activité où domine le plaisir, la rationalisation des épreuves et leur codification laissant place à l’improvisation de défis.

La première compétition d’ultra date de 1985, à Hunstville aux Etats-Unis, l’ultra triathlon, même s’il réunit des sports anciens n’a en réalité que 19 ans, ce qui en fait une pratique extrêmement récente. La fédération internationale (IUTA) n’a été fondée qu’en 1996. Dans cette optique, « l’ultra » est, sans équivoque, un sport contemporain.

La surenchère permanente, la volonté de faire toujours mieux, de réaliser ce que l’on pensait impossible, fondent la raison d’être de ces pratiques et en assurent l’évolution. En se basant sur certaines valeurs telles que la régularité, la gestion de l’effort, la constance ou encore la connaissance de soi, le triathlon met en avant des qualités fortement recherchées dans la vie quotidienne des sociétés contemporaines, il s’inscrit ainsi dans l’esprit de la modernité.

Les ultra athlètes semblent rechercher la longévité plus que la fugacité, préfèrent la constance, la régularité à la précarité et l’imprévisibilité du résultat. Le slogan olympique « plus vite, plus haut, plus fort » devenant « plus vite, plus loin, plus longtemps ». Il s’agit d’apprendre à se connaître, d’avoir conscience de ses possibilités, de ses capacités afin de planifier des entreprises sportives réalistes et réalisables.

L’individu est amené à gérer un potentiel de départ (son corps pour le sportif, un capital économique, humain pour le salarié…), de prévoir les éventualités, les aléas afin d’assurer la performance optimale, le meilleur rendement, le profit maximal. Cette faculté de gestion apparaît comme primordiale chez les ultra triathlètes, la capacité à gérer son potentiel semble même plus importante que le potentiel en lui-même.

L’ultra triathlon semble solliciter la volonté de durer, mais aussi la notion de perfectibilité et la croyance au progrès infini, l’individu est amené à se surpasser pour toujours faire mieux, aller plus vite, résister plus longtemps comme l’entreprise moderne cherche à produire plus, à réduire les coûts… Pour Ehrenberg, ces activités s’inscrivent dans une culture de l’héroïsme et de la performance propre à nos sociétés modernes actuelles (Ehrenberg, 1991).

L’ultra triathlon ou la réaction à une société sans limites ?

La perte des repères apparaît comme une « tarte à la crème » sociologique. Difficile de penser une société sans règles, sans repères, ni même à une société où les repères seraient plus flous. Les trajectoires de chacun peuvent apparaître plus complexe, les méthodes pour les aborder plus précises, pour autant, l’anomie n’est pas une caractéristique permanente, a fortiori installée. Le penser ainsi revient sans doute à faire preuve de superficialité et/ou de pessimisme. Les normes, les règlements, les lois sont omniprésentes dans la vie de tous les jours. Dans les sports, ces règles constituent même le fondement des pratiques. Ces normes sont mêmes reconnues dans des groupes où de prime abord elles ne transparaissent pas. Les acquis de la sociologie de la déviance sont remarquables à ce titre (Becker, 1985).

Reste que l’individualisation oblige, pour ainsi dire, le pratiquant à préciser le sens que ces actions, sportives ou non, possèdent pour lui. Nous appelons ce processus : l’individualisation symbolique. Il advient plus particulièrement dans les moments et les situations déséquilibrés : stigmatisation, domination par exemple (Héas et al., 2005). Dans ce nouveau cadre d’analyse sociologique, « la quête éperdue des limites perdues » (Pociello, 1995, 272) devient la quête de repères pour soi dans des situations particulièrement perturbantes.

La pratique de l’ultra triathlon répond à ce « souci moderne » de découvrir des limites fondamentales trop souvent déniée par l’idéologie santéiste par exemple qui règle techniquement les maux physiques et mentaux sans interrogation, a fortiori remise en cause, des situations productrices de ces malaises civilisationnels (Druhle, 1996 ; Héas, 2004).

La confrontation à la démesure que représentent les épreuves d’ultra triathlon apparaît comme un moyen de vérifier ses limites, de voir jusqu’où l’on peut aller, de résister à la sédentarisation rampante des sociétés modernes. La confrontation à la mort que l’on retrouve dans les sports extrêmes est la garantie pour les pratiquants de disposer d’une référence sûre : la finitude humaine, la mort comme limite ultime, par conséquent comme donneuse de sens (Le Breton, 1991).

De quel extrême s’agit-il ?

L’extrême, vient du latin extremus signifiant ce qui est tout à fait au bout, au terme. Ainsi, seule l’exploration de cette limite ultime garantit à l’individu de pouvoir juger concrètement de ses possibilités réelles. Ces « conquérants de l’inutile » trouvent dans l’ultra triathlon un moyen d’établir des normes personnelles que la société ne leur fournit plus, d’apprendre à se connaître à la fois sur le plan physique et psychologique en affrontant l’excès (Terray, 1965).

Ils tentent ainsi de retrouver une estimation des capacités réelles de l’homme que la société contemporaine masque progressivement.

L’évolution sociale se traduit par une diminution des contraintes pesant sur l’individu, plus particulièrement des contraintes en termes de dépenses physiques. L’ultra triathlon apparaît alors à la fois comme un moyen de s’autocontraindre, notamment en se fixant des règles strictes d’entraînement et comme une manière de remplir sa vie en se fixant des objectifs, de donner de la consistance à une existence à partir d’un calendrier sportif particulièrement fourni.

Remplir sa vie ou véritable quête du sens de l’existence ?

L’ultra apparaît tout d’abord comme un moyen de donner du contenu à une existence. Pour les adeptes des nouvelles pratiques, Yonnet prend l’exemple du footing, le sport s’institue comme une règle de vie permanente, il s’intègre à part entière dans le projet de vie (Yonnet, 1985). Avec l’ultra, une surexploitation sportive du temps libre est à l’œuvre… quitte à hypothéquer leurs relations sociales (difficulté à concilier vie de couple et passion pour l’ultra), leurs possibilités professionnelles avec le choix d’un travail permettant l’entraînement.

Tous les aspects de leur vie gravitent autour de la pratique de l’ultra triathlon, plus qu’une passion, c’est réellement le centre de l’existence, la raison de vivre de ces personnes, leur vie en est totalement imprégnée. Tous insistent sur la difficulté de l’entraînement, son aspect astreignant : il faut parfois « se mettre des coups de pied au fesse ! ». Les conditions de pratique, la nuit, avec la fatigue et la solitude qui s’installent, évoquent une ascèse comportementale remarquable qui repose en grande partie sur les épaules des pratiquants. Rien ni personne d’autre qu’eux-mêmes ne les oblige à y aller. Les triathlètes s’imposent donc des règles, se fixent des objectifs à respecter. L’ambivalence est flagrante lorsque pour parler des entraînements, l’un parle de « boulot » pour tout de suite ajouter « qu’il n’a aucune obligation à y aller ».

Chaque entraînement devient un défi face à soi-même et à sa volonté personnelle, la non réalisation de celui ci n’ayant aucune conséquence majeure sur la vie de l’individu mais un impact immense sur sa conception de soi (sentiment de culpabilité, de ne rien valoir, d’échec)

Une notion fondamentale, traduisant cet aspect subjectif des contraintes que s’impose l’individu, ressort à travers le terme « d’objectif ».

Ces microdécisions semblent parfois ridicules ou illogiques mais leur respect semble fondamental. La réalisation des objectifs que l’athlète s’est fixés est un besoin pour l’individu, gage de confiance en soi, garantie de sa volonté personnelle et de sa détermination. Une fois que l’individu s’est mis quelque chose en tête, il faudra de toute manière qu’il le réalise, ce type de fonctionnement qui permet de ne pas avoir à réfléchir, est un moyen de faciliter l’existence d’un individu livré à lui-même ou plus précisément, ayant le sentiment d’être livré à lui-même.

L’ultra triathlon apparaît donc comme un moyen de rétablir une sorte de planification, de retrouver des points de repères sur lesquels s’appuyer… tout en perdant, au moment des entraînements et des courses, parfois, conscience du temps présent. Les sensations de vertige, de transe active, deviennent des éléments moteurs, et sans doute addictifs (Bodin, Robène, Héas, 2004). Le corps des ultra triathlètes oscille entre « ami et ennemi », soutien et frein à la pratique. L’ambivalence vécue est remarquable, elle seule permet de poursuivre les efforts consentis quotidiennement. Elle, seule, complexifie leur vie en lui donnant un sens hors du commun, elle participe d’un processus d’individualisation symbolique démontré sur d’autres populations (Héas et al., 2005)…

Les passages de l’article en italique sont des extraits d’entretiens menés dans le cadre du mémoire de Jean Paul Monnet L’Ultra triathlon : la folie des temps modernes ?.

Références

BECKER, H., Outsiders, Paris, 1985

BODIN, D., ROBENE, L., HEAS, S., Sports et violences en Europe, Strasbourg 2004

BODIN, D., HEAS S., ROBENE L., « Les goûts sportifs : entre distinction et pratique élective raisonnée », in : M. Ollivier & V. Fridman (dir.) « Goût, pratiques culturelles et inégalités sociales : branchés et exclus », Sociologie et Société, vol. XXXVI, n°1, Montréal 2004, pp.187-208

BODIN, D., HEAS S., Introduction à la sociologie des sports, Paris 2002

DRUHLE, M., La santéisation de la société, Paris 1996

EHRENBERG, A. La fatigue d’être soi, Paris 1998

EHRENBERG, A., L’individu incertain, Paris 1995

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ELIAS, N., La civilisation des mœurs, Paris 1973

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HEAS, S., BODIN D., ROBENE L., CHAVET M., AÏT ABDELMALEK A., « Les Vietnamiens en France : essai d’analyse de l’évitement versus du dévoilement stigmatisants par la pratique sportive », Migrations et société, vol. 17, n°97, 2005 pp. 1-14.

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HEAS, S., BODIN, D., AMOSSE, K., KERESPARS, S., « Football féminin : « C’est un jeu d’hommes » », Cahier du Genre, n°36, 2004 pp.185-203.

HEAS, S., BODIN, D., EL ALI, M., REGNIER, P., « Les autocontraintes aujourd’hui : essai d’application à la relaxation, aux arts martiaux et au marathon ». In : Y. Bonny, J.M. De Queiroz, et E. Neveu, Norbert Elias et la théorie de la civilisation : lectures et critiques, 2003 pp.229-248.

KAUFMANN, J.C., L’invention de soi. Une théorie de l’identité, Paris 2004

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MONNET, J.P., L’Ultra triathlon : une folie des temps modernes ?, Mémoire de second cycle, UFR APS de Rennes 2 (dir.S. Héas) 2004

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VIGARELLO, G., « Les vertiges de l’intime », Esprit, 2, 1982 68-78.

YONNET, P., Jeux, modes et masse, Paris 1985

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Je suis sociologue, maître de conférences Habilité à Diriger des recherches en STAPS, Sociologie à l’université de Rennes 2, au sein de l’UFR APS. Lire la suite

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