Pas un jour ne passe sans que Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT et opposé à la loi Travail, n’apparaisse sur vos écrans. Avec à chaque fois un détail reconnaissable : sa moustache. Justement, cette moustache : que veut-elle dire ? Que représente-t-elle ? Le sociologue Stéphane Héas, vice-président de la Société française en sciences humaines sur la peau, et l’historien Fabrice d’Almeida, auteur de La politique au naturel, se sont penchés pour l’édition du soir sur cette très sérieuse question de pilosité faciale.
« Mon but est de remettre les moustaches à la mode. Je pense qu’elles ne sont pas assez respectées. Les moustaches, c’est une déclaration politique. » Ce pourrait être du Philippe Martinez. C’est du Brad Pitt, en 2008, à l’occasion de la sortie du film Inglorious Basterds, de Quentin Tarantino.
Qu’en dit Philippe Martinez, le patron de la CGT ? Pas grand-chose, vous vous en doutez… La moustache, il s’y est mis il y a trois ans,« comme ça, pour essayer », a-t-il dit àLibération. Au syndicat, on n’a pourtant pas tardé à lui trouver des surnoms : « le Mexicain », « Pépito », « Astérix », « Dupond et Dupont ». L’opinion, elle aussi, le reconnaît et l’identifie désormais aisément grâce à ses poils sous le nez. Sa moustache est noire, épaisse, à l’image du bras de fer qu’il a engagé ce printemps contre le gouvernement. La symbolique est forte, tentante : celle de la virilité, du pouvoir…
Pas un jour ne passe sans que Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT et opposé à la loi Travail, n’apparaisse sur vos écrans. Avec à chaque fois un détail reconnaissable : sa moustache. Justement, cette moustache : que veut-elle dire ? Que représente-t-elle ? Le sociologue Stéphane Héas, vice-président de la Société française en sciences humaines sur la peau, et l’historien Fabrice d’Almeida, auteur de La politique au naturel, se sont penchés pour l’édition du soir sur cette très sérieuse question de pilosité faciale.
« Mon but est de remettre les moustaches à la mode. Je pense qu’elles ne sont pas assez respectées. Les moustaches, c’est une déclaration politique. » Ce pourrait être du Philippe Martinez. C’est du Brad Pitt, en 2008, à l’occasion de la sortie du film Inglorious Basterds, de Quentin Tarantino.
Qu’en dit Philippe Martinez, le patron de la CGT ? Pas grand-chose, vous vous en doutez… La moustache, il s’y est mis il y a trois ans,« comme ça, pour essayer », a-t-il dit àLibération. Au syndicat, on n’a pourtant pas tardé à lui trouver des surnoms : « le Mexicain », « Pépito », « Astérix », « Dupond et Dupont ». L’opinion, elle aussi, le reconnaît et l’identifie désormais aisément grâce à ses poils sous le nez. Sa moustache est noire, épaisse, à l’image du bras de fer qu’il a engagé ce printemps contre le gouvernement. La symbolique est forte, tentante : celle de la virilité, du pouvoir…
Alors après tout, on se dit que Brad Pitt a peut-être raison. Le successeur de Thierry Lepaon serait moins austère et bourru que son look ne le laisse supposer, mais le fait d’avoir une moustache très fournie traduirait-il une attitude, un combat, un message à la portée hautement politique ? Au regard de l’histoire, la moustache de Philippe Martinez veut-elle (vraiment) dire quelque chose ? Et si oui, que représente-t-elle ?
Sagesse ou rébellion ?
Stéphane Héas est sociologue, vice-président de la Société française en sciences humaines sur la peau. Par le passé, il a contribué au livreAnthropologie, mythologies et histoire de la chevelure et de la pilosité, de Bertrand Lançon et Marie-Hélène Delavaud-Roux. « Auparavant, la moustache était le signe du pouvoir en place dans la société. Les hommes politiques, les hommes d’État, les militaires, les leaders (Staline, Gandhi, etc.), les hommes respectés (médecins) portaient la moustache », dit-il.
L’historien Fabrice d’Almeida s’est lui aussi intéressé à la pilosité dans la vie publique. Auteur de La politique au naturel : comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle, il traque la pilosité faciale jusqu’à l’Antiquité : « On représentait toujours les sénateurs avec des barbes, des moustaches, censées incarner l’image du rassembleur expérimenté qui fait la loi. À l’inverse, on représentait les généraux victorieux sans barbe, glabres, pleins de force, d’élan. »
« Plus le poil était long, plus il y avait de la sagesse, poursuit l’historien, et plus c’était proche du religieux (Dieu a toujours été dessiné barbu). Ainsi, jusqu’en 1914, tous les hommes étaient barbus. » La barbe incarnait alors « la virilité, la victoire, l’autorité, la réussite »,souligne-t-il.
Entre les deux guerres mondiales, la barbe a disparu, mais la moustache est restée. « Il y avait différents types de moustaches et pour certains, cela devenait un objet de communication, comme Hitler, avec une moustache qu’il souhaitait reconnaissable. »
Mais pendant cette période, on a observé un tournant, note Fabrice d’Almeida : « La jeunesse a changé de rôle, elle est devenue une valeur politique forte. C’est elle qui portait l’héroïsme de guerre. Le jeune n’est pas poilu, il est sans barbe et sans moustache, et on a souhaité s’identifier à lui. » Le Parti communiste est alors l’un des partis « les moins poilus, car il souhaitait représenter la jeunesse ».
Nouveau revirement dans les années 1960-70 :« La barbe et la moustache sont revenues au goût du jour car l’extrême gauche s’est positionnée contre la société de consommation, contre les rasoirs, les déodorants, etc., explique l’historien. C’était en quelque sorte une façon de contrer ce modèle, par un retour au naturel. Ce sont les années hippies, celles des protestataires. »
Un symbole de résistance
Aujourd’hui, sur les bancs de l’Assemblée nationale, seuls 20 députés sur 577 portent la moustache. Où se situent-ils sur l’échiquier politique ? Dix-sept se placent à gauche, trois à droite. « La moustache, devenue minoritaire, n’est plus autant un emblème du pouvoir, estime Stéphane Héas. Au PS, dans le groupe parlementaire, dix moustachus sont présents, dont près de la moitié sont investis de la question du développement durable, deux relèvent des Dom-Tom. » La moustache ne se distribue pas d’une manière anodine au sein des rangs, observe-t-il : « Elle apparaît comme un élément de la parure masculine des militants en charge de la nature notamment. La moustache de José Bové est à ce titre exemplaire. »
À l’extrême droite, « au Front National, il y a un seul barbu dans le comité exécutif, c’est la barbe de la sagesse du plus ancien des membres », interprète Stéphane Héas. Chez le groupe Les Républicains, « si quelques militants mis en avant sur le site plutôt jeunes portent une légère barbe, une seule moustache est présente ». Et cet exemple est intéressant, dit Stéphane Héas, « car il s’agit d’un militant âgé de 90 ans qui vante son passé de résistant : donc tout se passe comme si la moustache constituait un symbole même de résistance, en l’occurrence, là, les Forces Françaises Libres ». Résistance et expérience, donc.
Un attribut « viril, populaire et protestataire »
Alors, qu’en déduire pour Philippe Martinez ?« Sa moustache renvoie à quelque chose d’à la fois viril, populaire, protestataire, selon la tradition des années 1960-70, juge Fabrice d’Almeida. La moustache est longue, les cheveux aussi, malgré la calvitie, c’est dire que l’on ne se soucie pas des convenances… »
L’historien ajoute : « Nous sommes dans une ère d’euphémisation de la vie politique. Les discours sont plus courts, les symboles plus légers qu’auparavant, et l’apparence physique en est un. » Philippe Martinez ne s’est pourtant laissé pousser la moustache qu’il y a peu.« Aujourd’hui, un changement de look signifie justement un changement de positionnement »,souligne Fabrice d’Almeida. Sous-entendu : son arrivée à la tête de la CGT a été précédée d’une nouveauté : sa moustache.
L’interprétation de Stéphane Héas est assez proche : « La moustache, comme la barbe longue, exige un entretien spécifique quotidien. Il s’agit donc d’y prêter attention sous peine d’avoir un visage aux traits négligés. La puissance de l’action consistant à garder une moustache rejaillit sur la personne, qui a su dompter la nature, son propre corps… »
Cette mise en scène particulière de soi, conclut-il, « n’est pas exempte de sources historiques plus ou moins mythiques : les moustaches des Gaulois et notamment les résistants à l’oppression de l’ordre romain, façon Astérix et Obélix. Le paradoxe est donc constitutif du moustachu, qui valorise à la fois un rapport à la nature spécifique, tout en contrôlant son développement. La résistance à l’ordre du monde (naturel et humain) est donc sa marque de fabrique. » Conclusion : si l’on se fie à ses poils, Philippe Martinez et sa moustache ne sont pas près de plier.
L’avis d’un barbier. Pierre-Alban Chopin est barbier à La Clé du barbier, à Paris. « La moustache de Philippe Martinez, c’est une moustache pas super-entretenue, assez massive, imposante, observe-t-il. Ce n’est pas une moustache de Vikings, mais plutôt proche d’Astérix. » Qu’en conclure ?« Chaque moustache est différente, mais pour certains, la moustache apporte du charisme, de la confiance en soi. Cela vieillit, la moustache… » Et peut crédibiliser, donc.
PAR GASPARD BREMOND
Lire l’article sur le site du Ouest France