Le sport comme outil d’insertion et de prévention : dépasser les utopies

Résumé

D’une manière sporadique, les flambées de violences des banlieues françaises interpellent les responsables politiques nationaux, locaux et territoriaux français, partageant largement une conception du sport comme « contre-feu à la violence des cités ». Nous questionnons cette évidence socioculturelle à partir d’analyses sociologiques concrètes. La sportivisation des cités ou de la jeunesse est le fruit d’une longue histoire. Elle participe et mobilise, en partie, le travail socioculturel mis en oeuvre depuis les années 1960. Or, aujourd’hui, le sport apparaît à la fois comme le dernier recours ou le dernier rempart face aux situations de précarité et à la ghettoïsation de certains quartiers, à la fois comme réponse à la logique de « surveiller et courir ». Chacune de ces approches isole le sport, i.e. le considère en dehors du contexte socio-économique général. Elle lui attribue des valeurs et des normes propres. Face à ce « prêt à porter idéologique » faisant des sports et plus généralement des APS (Activités Physiques et Sportives) le parangon de la lutte contre l’exclusion et le moyen le plus adéquat pour favoriser la socialisation notamment des plus jeunes, un certain nombre de questions se posent. De quel sport parle-t-on : des APS pratiquées dans les collèges et lycées, du sport civil ou du sport de rue ? Le « sport de rue » favorise t-il « l’autocontrôle des pulsions » ? Pourquoi les jeunes délaissent-ils de plus en plus aujourd’hui le sport civil au profit de pratiques « à risques » ou autogérées ? A quelles conditions le sport de rue peut-il favoriser la socialisation et participer à la prévention d’actes délinquants ou violents ? Nous tenterons de répondre à partir de données recueillies entre 2004 et 2005 par questionnaires, entretiens et observations au sein de 9 cités françaises.