Portraits de peaux

Cette exposition signée du photographe Guillaume Oliver, qui se tiendra du 5 au 9 juillet à la Galerie « SIT DOWN » à Paris et dont A-DERMA est partenaire, libère le corps et la parole de patients atteints de pathologies de peau. En nous montrant et en nous racontant leur vécu, c’est notre rapport intime à la peau qu’ils questionnent.

Quelle relation entretiennent les patients avec leur peau fragilisée ? Quel regard portons-nous sur ces personnes dont la peau est altérée ? Avec ses « Portraits de peaux », le photographe Guillaume Oliver apporte un regard bienveillant salvateur aux patients mais il nous invite aussi à changer notre regard sur la peau et la maladie, à nous interroger sur le poids des préjugés véhiculés par la société. Devant son objectif s’expriment des personnes dont l’image a été forgée ou même déformée depuis leur plus jeune âge, par l’état de leur peau. Parce que la marque A-DERMA fait bien plus que des produits mais recherche depuis des années à améliorer la vie de ces patients, à leur apporter des solutions plus humaines, elle ne pouvait que soutenir ce projet. Patients atopiques, marqués par des cicatrices ou encore atteints d’acné ou de rosacée, chacun a pris la pose à sa façon, livrant une histoire intime de sa pathologie. Ces portraits visuels présentés sous forme de tirages à l’échelle 1:1, s’accompagnent de portraits sonores, témoignages des patients racontant leur peau qui s’exprime mal, douloureusement.

L’interview de Guillaume Oliver, photographe

-Pourquoi ce projet ?

Je fais beaucoup de portraits dans le monde de l’entreprise et lors de shootings beauté. Je m’interroge donc constamment sur l’image que je saisis et l’image que l’on me donne. Professionnellement, je recherche toujours la meilleure image. Je me suis questionné : comment faire lorsque le corps est dégradé, que ce soit par le handicap ou lorsqu’il y a des pathologies cutanées, atopie, acné, rosacée, cicatrices ? L’autre point décisif pour initier ce projet a été celui-ci : lorsqu’on présente une pathologie, on la résume à la photographie d’une pastille de peau, comme si il n’y avait pas d’individu. J’ai eu envie de montrer et de donner la parole à ces personnes qui existent derrière ces représentations de peau.

-Comment avez-vous recruté vos modèles ?

Je suis rentré en contact avec le corps médical et ce sont les dermatologues qui ont parlé de ce projet à leurs patients. J’ai ensuite rencontré ceux qui étaient intéressés par la démarche. Beaucoup ont accepté par curiosité. Ce sont notamment des personnes qui ont avancé dans leur maladie, qui ne sont plus en crise mais qui ont voulu témoigner car ils ont souffert de s’être beaucoup sentis seuls avec leurs altérations de peau.

-Racontez-nous le déroulement d’une séance.

D’abord, on discute, pendant une bonne heure. Je demande à la personne qui va être photographiée de me livrer son histoire de peau, de manière simplement chronologique ou plus symbolique. Chacune me raconte à sa façon sa peau et de quelle manière elle la vit. Je la mets à l’aise, je l’aide à réfléchir à son image. Il y a pas mal d’appréhension, pas seulement du fait de poser devant un appareil photo mais aussi par rapport à la représentation publique, comment gérer cette histoire qui devient publique ? Ensuite, derrière l’objectif, je ne suis pas directif, je ne cherche pas à prendre quelque chose à la personne. Je veux simplement mettre en lumière ce que, elle, va me donner, dans une mise en scène minimaliste et une impression lumineuse claire afin d’éviter l’effet de pathos. Ce qui rassemble tous ces modèles, c’est un rapport particulier au regard de l’autre, une confusion entre ce regard, l’image que l’on donne et que l’on a de soi. Devant l’objectif, ils choisissent ce qu’ils montrent.

L’interview du Dr Magali Bourrel-Bouttaz, dermatologue

-En quoi cette démarche est positive pour le modèle ?

Les personnes souffrant d’atopie ont une estime d’elles-mêmes fortement dégradée et cela commence très tôt, dès l’enfance. Je pense à cette fillette de 8 ans qui se voit comme une grenouille face au miroir et non comme une princesse, comme toutes les petites filles de son âge ! On ne se construit qu’avec le regard de l’autre, d’abord celui de la mère (inquiète lorsqu’elle a un enfant atopique), puis ceux sans pitié des enfants à l’école, puis, plus grand, le regard sexué. On vit dans un monde qui ne supporte pas la différence. Ces malades souffrent plus de leur image que de leur maladie elle-même. Le regard de l’entourage est très dur, ils sont face à des réactions parfois très violentes. Poser devant l’œil bienveillant du photographe est une façon de réparer cette image malmenée et de recouvrer un peu d’estime d’eux-mêmes.

-Vous avez participé à la sélection des patients pour la série de portraits sur la dermatite atopique. Avez-vous eu beaucoup de refus ?

Systématiquement les hommes. Ils n’aiment pas montrer leurs fragilités. Les femmes qui ont accepté n’étaient plus en période de crise, elles avaient déjà beaucoup évolué par rapport à leur pathologie, ce sont des femmes qui vont bien. Poser dans un état de faiblesse aurait été trop insupportable à vivre. Une patiente faisant partie du projet m’a notamment dit : « Pendant des années, j’ai été débordée par la maladie qui parlait à ma place, maintenant je prends le dessus et je parle à la place de ma peau. » Ces femmes étaient dans la démarche : je prends la parole, j’ai quelque chose à dire.

-Qu’apporte le fait d’exposer ces photos au public ?

Si les photos n’avaient été destinées qu’aux patients, cela aurait renvoyé à une interprétation pour elles-mêmes de leur propre image. Accepter l’aspect public, oser s’afficher, veut dire accepter et faire face à la critique tant positive que négative.

-En améliorant l’image que l’on a de soi, peut-on améliorer l’état de sa maladie ?

L’atopie n’est pas une maladie psy. Cela le devient à cause du regard des autres et d’abord celui de la mère, effondrée de voir ainsi son enfant. Comment se construire avec la culpabilité d’angoisser sa mère ? L’aspect psychologique auto-entretient la maladie. Alors, oui, en améliorant cette composante, on peut un peu améliorer son état, mais ça ne suffit pas, la maladie existe réellement et bien d’autres facteurs sont en cause.

Le mot de Stéphane Héas, Sociologue

Réaliser des portraits est depuis des siècles une activité artistique intéressante. Elle l’est notamment pour les Sciences Humaines et Sociales. L’histoire et l’ethnologie les mobilisent pour mieux comprendre les sociétés anciennes et/ou différentes. Les mises en scène de soi et des autres révèlent les teneurs des relations humaines. Entre fascination et exploitation, entre exposition et oppression. Surtout, la notion même de portrait est riche et polyvalente d’un point de vue symbolique.  Le « portrait craché » indique une lignée, une filiation, le « portrait chargé » confine à la caricature, le portrait « parlé » devient signalement pour la police et la justice, etc. Ces quelques indications rappellent que le portrait publicise.Il participe potentiellement au contrôle des populations (déviantes, stigmatisées, etc.). Avec cette exposition l’un des objectifs était justement de contrer le stigmate de la maladie de peau. La marque visible de l’atteinte atopique est contrebalancée ici par la présence manifeste d’une personne qui fait don de soi en s’exposant aux yeux de tous. Comme portraits esthétiques, les desiderata des personnes sont respectés. Regarder ou pas l’objectif, se couvrir une partie du corps ou non, choisir ses vêtements pour l’occasion, etc.  La photographie expose sans marquer d’une étiquette négative la personne qui n’est plus réduite à son tableau clinique, à sa pastille épidermique malade. Le portrait devient si ce n’est « flatté », en tous les cas, flatteur. Le stigmate de la maladie est retourné. Quelle belle initiative que cette bascule symbolique qui redonne humanité à une vie, à chaque vie, qui ne doit pas être diminuée…

Le regard sociologique, comme parfois le regard médical d’ailleurs, est souvent perçu par les non-initiés comme extérieur et froid. Il l’est sans doute parfois et par certains professionnels, qu’ils soient sociologues ou non. Les sensibilités théoriques et méthodologiques infusent les pratiques scientifiques : elles laissent plus ou moins de place aux paroles, réflexions et critiques des personnes étudiées. Le respect strict de l’anonymat encadre les démarches et les protocoles scientifiques.

Prendre en compte les paroles et les actes des personnes ne veut pas dire que les scientifiques adhèrent à ces déclarations, expressions ou actions.

Prendre en compte les paroles et les actes des personnes ne veut pas dire que les scientifiques adhèrent à ces déclarations, expressions ou actions. Ces actions et expressions sont considérées comme des formulations subjectives de situations vécues. Mais ces situations ne sont pas seulement subjectives. Le « regard sociologique » tente d’objectiver ces propos et ces actes en les comparant avec d’autres situations proches ou au contraire des situations très différentes. Avec cet exercice de mise à plat les chercheurs révèlent les douleurs, parfois les souffrances, mais aussi les ressorts enthousiastes et positifs des personnes et plus largement les ressorts des situations elles-mêmes. Les chercheurs révèlent sans parti-pris, sans jugement, les conflits d’intérêt ou de sens des acteurs en présence, les évolutions de leurs « positions », évolutions qui rejaillissent parfois sur leurs sentiments, voire qui rejaillissent sur leur rapport à eux-mêmes, à leurs « propres » sensations…

Logiquement, l’analyse scientifique ne valorise pas les enquêtés, mêmes lorsque leurs situations sont singulières et particulièrement rares. « Le cas rare » est intéressant… pour le chercheur. Pour la personne, cette rareté de la maladie est plutôt une source d’angoisse supplémentaire, même si la personne peut en recevoir des bénéfices secondaires ensuite. En ce sens, le travail scientifique n’implique pas directement la promotion des personnes enquêtées (ou alors d’une manière insidieuse et non voulue), elle permet parfois mais plutôt rarement la promotion de tel ou tel chercheur (tant la tâche scientifique doit rester humble et critique). Les bénéfices pour les populations enquêtées sont d’un autre ordre :

  • confort de vie amélioré,
  • espérance de vie accrue,
  • sentiment d’être écouté avec bienveillance, d’être respecté, etc.

A côté des présentations chiffrées sur de grandes cohortes, des sociologues, hommes ou femmes, développent des approches davantage micrologiques qui mettent en exergue les sens et les sensibilités des personnes interrogées-observées. CETTE SOCIOLOGIE EST DITE SENSIBLE. Les propos recueillis sont relatés, les expériences partagées. Auprès des malades chroniques, les expériences douloureuses sont alors exprimées, recueillies, relatées, comparées. Rappelons que la douleur donne sens à la vie humaine. Une vie sans douleur est irréaliste et impossible à long terme.

Les analyses sociologiques concernent les vies quotidiennes, mais aussi la participation à des pratiques ou des cérémonies, plus ou moins régulières, parfois rituelles. Nous distinguerons ici rapidement ces deux situations. Lorsque la maladie prends des contours chroniques, devient un « terrain » d’observation intéressant puisque la personne doit composer avec cette maladie devenue un partenaire de vie

Concernant le quotidien, vivre avec une maladie de peau, surtout lorsque la maladie prends des contours chroniques, devient un « terrain » d’observation intéressant puisque la personne doit composer avec cette maladie devenue un partenaire de vie, parfois un partenaire annonciateur de la mort, proche ou non. Leur quotidien est bouleversé, leur avenir aussi souvent :

  • les relations à soi s’en trouvent profondément changées lorsque la douleur ou les démangeaisons prennent beaucoup de place, de jour comme de nuit. L’importance même de l’organe « peau » intervient beaucoup ici. Comme enveloppe corporelle qui engage chaque mouvement quotidien, chaque action. Comme enveloppe symbolique aussi puisque la peau constitue un référent important de l’identité de chacun d’entre nous, tant la peau semble nous contenir, nous rassembler. Lorsque la peau est atteinte, le sentiment d’identité l’est aussi. D’ailleurs, des thèses soulignent que l’atteinte cutanée (« volontaire », automutilation) participe d’une réassurance identitaire : le risque de mourir en se taillant la peau peut permettre de se sentir vivant, un rite de passage privé (Le Breton)… pour les personnes privées de passage (si l’on veut faire un jeu de mots). Comme si le corps et notamment la peau pouvait permettre de prendre les commandes sur sa vie, ou en tous les cas d’en avoir l’impression… Du coup, une maladie cutanée qui apparait comme une perte de contrôle inquiète.
  • Les relations aux autres sont aussi et logiquement impactées (que les autres soient présents ou non, cf. le « soi » (Mead), le « soliloque » (Athens, 1994), la « petite musique intérieure » de JCK). La place des aidants professionnels, mais aussi des aidants non professionnels est essentielle ici. Les ressources et les actions d’accompagnement des personnes proches, des personnes qui comptent affectivement, sont essentielles (famille ou hors famille dans le cadre des associations notamment, y compris des associations de malades, créations ad hoc). Sans ce soutien affectif des proches (ou des personnes qui deviennent (des) proches), l’isolement gagne. Ces relations négociées avec et depuis l’intrusion de la maladie sont essentiels pour que les relations avec les professionnels du soin ne risquent pas de devenir totalement asymétriques, de devenir les seules planches de salut. L’économie des relations humaines est chamboulée par l’irruption d’une maladie. La place des maladies cutanées est ici fondamentale puisqu’elle engage directement le regard des autres sur soi… à travers sa peau.
  • Le refuge dans des relations avec des non-humains et plus largement avec la Nature est une possibilité d’action (même si elle peut paraître de l’extérieur comme une fuite du commerce avec les êtres humains). Alors, sans le jugement pesant et quotidien des Autres, la vie avec une maladie de peau peut redevenir supportable. S’occuper de son animal de compagnie et être occupé par lui, ou bien s’occuper de son jardin, vivre au contact de la mer ou de la campagne peuvent devenir des havres de paix. Ces relations permettent de vivre en dehors des regards réprobateurs, en dehors des regards compatissants, voire des regards humains relégateurs ou excluants.

Concernant les périodes et les cérémonies sociales, parfois fortement rituelles, vivre avec une maladie de peau intervient forcément au plus haut point. « Ne pas être présentable » devient un handicap social lors d’une rencontre cérémonielle (sportive, mariage, pot entre collègues-voisins, entretien d’embauche ou d’évaluation, etc.). Avec des plaques rouges sur le visage ou les mains, des boutons plus ou moins purulents, etc., la situation de face à face devient très vite délicate et évitée par les personnes qui s’excluent de ces moments de partage émotionnel, essentiel à la vie humaine. La maladie de peau intervient alors comme une actrice conduisant au retrait plus ou moins total des situations d’interactions, et notamment des rituels et cérémonies qui permettent de conforter les groupes sociaux et le sentiment d’appartenance. En ne participant pas à ces moments rituels, les personnes courent le risque d’être marginalisées, plus ou moins brutalement. Souvent, l’autodiscrimination engage la personne à s’exclure elle-même des rencontres humaines inédites, en dehors d’un cercle restreint de personnes « au courant » de leur situation sanitaire, virale, etc.

Suivant que le système de soins s’avère plus ou moins adapté, plus ou moins efficace pour « gérer » la maladie, mais surtout pour gérer tous les à-côtés qui font le sel de la vie, la personne peut se retrouver et se sentir isolée (et éventuellement « sauvée médicalement, mais perdue socialement »).

Des portraits et des Hommes : une action sans domination ?

Réaliser des portraits est depuis des siècles une activité artistique riche et intéressante. Elle l’est notamment pour les Sciences Humaines et Sociales en termes de « traces » ; i.e. de témoignages des sociétés du passé et exotiques/de l’ailleurs. L’histoire et l’ethnologie les mobilisent pour mieux comprendre les sociétés anciennes et/ou différentes. Les mises en scène de soi et des autres révèlent les teneurs des relations humaines. ENTRE FASCINATION ET EXPLOITATION, ENTRE EXPOSITION ET OPPRESSION. En effet, tous les êtres humains n’ont pas la même propension à se faire « tirer le portrait », tous n’ont pas la même propension à être mis sous les lumières des projecteurs publics. Les plus riches et les plus puissants imposent souvent leur regard aux autres catégories de la population. Les plus pauvres eux sont exposés qu’ils le veuillent ou non au regard de tous (lorsqu’ils vivent dans la rue par exemple). L’histoire est parsemée de ces biais de PRESENTATION DE SOI, VOLONTAIRE OU NON.

Ici, le projet artistique est intéressant parce que justement il vise à donner un visage et la parole à des personnes qui en disposent bien sûr au sens biologique (quoique la maladie puisse parfois directement entraver cette expression langagière ! Cf. les pemphigus avec altération des muqueuses orales), mais ces personnes ne disposent pas forcément d’une parole au niveau de leur position dans le système de soins, et plus largement de leur position dans le système social.

Si nous ne prenons ici uniquement l’angle d’approche du sexe biologique et du genre social, les femmes restent et demeurent les parent.e.s pauvres des :

  • expressions humaines
  • expressions médicales
  • expressions artistiques

Ici, un homme met en scène des femmes. Cette simple indication révèle le poids des dominations contemporaines. Un des points de l’argumentaire artistique de Guillaume OLIVER est justement de contrer cette domination de la maladie, mais plus largement de contrer la domination de la société et de ses normes, notamment de ses canons de beauté. Car l’exposition de femmes prend le plus souvent les contours d’une exposition esthétique fortement quadrillée par des exigences en termes de stature, de ligne corporelle, de forme et de traits du visage, etc. Ici, les femmes volontaires acceptent un éclairage (au sens propre et figuré !) sur leur apparence telle qu’elles le désirent. La liberté n’est bien sûr jamais totale. Une séance photographique devant les/des yeux masculins d’un professionnel ne peut être totalement équivalente et symétrique d’une séance photographique avec un ou une autre professionnel(le), dans un autre cadre historique, culturel et social.

Ces portraits sont riches de sens

Surtout, la notion même de portrait est riche et polyvalente d’un point de vue historique, sémantique et donc symbolique.

  • Le « portrait craché » indique une lignée, une filiation entre un père/mère et son fils/fille. En ce sens, se faire photographier, c’est toujours aussi rendre visible une lignée, avec des traits plus ou moins marqués (du nez par exemple, de la forme du crâne, de l’implantation des cheveux, de la couleur de la peau et des yeux, etc.). Les maquillages et les formes plus radicales de transformation esthétique de soi peuvent minorer cet héritage corporel, ceux notamment qui concernent les traits du visage.
  • « Tracer le portrait de quelqu’un » = résumer son caractère, par l’entremise d’une psychosociologie naïve, d’une physiognomonie (= danger de la réduction, des préjugés raciaux, en termes de catégories sociales, etc.)
  • le « portrait chargé » confine à la caricature.
  • le « portrait-robot» signale une recherche policière et judiciaire, etc.
  • « démolir le portrait » est une menace parfois réalisée d’une destruction de l’Autre par la destruction de sa face. Or, le face-work, cette activité de figuration est permanente. L’exposition de soi est risquée, toujours, ici elle permet de rétablir l’humanité des personnes, de redorer leur prestige identitaire, de redorer leur blason cutané.

Ces quelques indications rappellent que le PORTRAIT PUBLICISE. Il permet une glorification et une certaine empreinte historique, mais en même temps il participe potentiellement au contrôle des populations (déviantes, stigmatisées, etc.).

Avec cette exposition l’un des objectifs était justement de contrer le stigmate de la maladie de peau. La marque visible de l’atteinte atopique est contrebalancée ici par la présence manifeste d’une personne qui fait don de soi en s’exposant aux yeux de tous. Comme portraits esthétiques, les desiderata des personnes sont respectés. Regarder ou pas l’objectif, se couvrir une partie du corps ou non, choisir ses vêtements pour l’occasion, etc.

Ici, la photographie expose sans marquer d’une étiquette négative la personne qui n’est plus réduite à son tableau clinique, à sa pastille épidermique malade. Nous sommes loin ici des photographies prises à la volée lors des consultations par des internes, voire par les spécialistes eux-mêmes. Le consentement est posé (la pose-pause du photographe = un temps pour soi-même, pour valoriser soi-même au regard du professionnel), le consentement apparait davantage réfléchi. Il n’est surtout pas pris dans l’étau du système de soins spécialisés notamment où la patiente n’est jamais rassurée quant à la poursuite des soins de qualité si elle ne donne pas son consentement à la prise de photos et à l’exposition aux regards des élèves médecins.

Ici, le jeu de miroir n’est plus en lien direct avec les soins prodigués, avec la relation au médecin qui peut/doit vous soigner, si ce n’est vous sauver de la maladie…

Le portrait devient si ce n’est « flatté », en tous les cas, flatteur. Le stigmate de la maladie est retourné. Quelle belle initiative que cette bascule symbolique qui redonne humanité à une vie, à chaque vie. En ce sens ces photos augmentent l’humanité des personnes (aucune vie ne doit être diminuée, Ch. GARDOU, 2012)…

Cette initiative permet ce soir et pendant quelques jours de mettre en lien, en dialogue, des personnes différentes, dans un lieu non médical et pourtant qui participe de l’acceptation sociale des malades et des maladies de peau.

CETTE BIENVEILLANCE PHOTOGRAPHIQUE EXPOSE SANS INDISPOSER, elle propose un autre regard sur des vies impactées par une atteinte épidermique

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Je suis sociologue, maître de conférences Habilité à Diriger des recherches en STAPS, Sociologie à l’université de Rennes 2, au sein de l’UFR APS. Lire la suite

Revue de sciences sociales et humaines sur les peaux. Le jeu de mots de ce nouveau titre souligne que cette revue n’aborde pas la peau sous un angle apologétique justement, mais qu’au contraire, il s’agit bien d’une revue scientifique qui sous une forme attrayante laissant une place importante à l’iconographie propose des articles approfondis.


Ce blog est destiné à permettre le partage d'informations pratiques, professionnelles et scientifiques concernant les questions de discrimination, d'intégration des minorités, et plus largement des rapports à l'Altérité. Il s'intéresse aux sports et aux autres activités culturelles.


La Société Française des Sciences Humaines sur la Peau (SFSHP) a été créée en 2006 pour regrouper les dermatologues et les autres personnalités intéressées par la dimension humaine, au sens des sciences humaines, de la dermatologie et de la biologie cutanée.

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